Quel dialogue entre associations et collectivités locales ?


Dossier réalisé par Transrural Initiatives, en collaboration avec le CELAVAR

La montée en puissance de l’intercommunalité résulte notamment de l’aspiration des populations rurales à accéder à des services de qualité. Cette évolution intéresse les associations : elles espèrent en retirer de nouveaux moyens pour agir, mais craignent dans le même temps les effets d’une mise en concurrence que provoque la multiplication des appels d’offres (p. IV-V). Accompagnant la mise en place des Pays, la création, en 1999, du conseil de développement a par ailleurs mis en évidence l’importance du lien qui doit être établi entre démocratie participative et développement d’un territoire. Les associations ont aussi vocation à jouer un rôle éminent en ce domaine (p. IV-V).

Le Comité d’étude et de liaison des associations à vocation agricole et rurale (CELAVAR) a placé la question des relations entre associations et collectivités au centre d’un de ses principaux chantiers de travail pour la période 2003-2005 (p. II). Il en résulte une série de réflexions et de recommandations qui s’adressent tant aux acteurs associatifs qu’aux élus (p. VIII). L’accent est plus particulièrement mis sur le nécessaire respect de l’autonomie associative et sur les enjeux de la contractualisation (p. VI et VII).

Quand le CELAVAR enquête…

Le chantier de travail que le CELAVAR a lancé en 2003 veut contribuer à la consolidation et à l’enrichissement des relations et des collaborations entre associations et collectivités locales, au bénéfice des territoires concernés.

La décision de s’intéresser au thème du « Dialogue entre associations et collectivités locales » a été prise par les adhérents du CELAVAR sur la base des travaux préparatoires aux Assises que ce dernier a organisées à Toulouse en novembre 2001. Alors que ces Assises traitaient de la contribution des associations au développement des territoires ruraux, les témoignages faisaient état des nombreux problèmes rencontrés au niveau local : « les relations avec les élus sont souvent difficiles, à cause de la concurrence ressentie de part et d’autre » ; « l’échelon régional, national ou européen permet de dépasser les tensions locales » ; « les associations ont souvent la sensation d’être les pompes à idées des élus, de servir de réservoirs sans qu’il y ait de retour partenarial » ; « elles sont toujours face au risque de l’instrumentalisation » ; « les collectivités locales ne discernent pas toujours la différence entre un service d’entreprise et un service associatif » ; «il est aberrant de devoir se battre pour rendre service à la collectivité » ; « la légitimité des associations est plus souvent technique que politique »…

Les associations locales questionnées

Reprenant une méthode qu’il a déjà éprouvée à plusieurs reprises, le CELAVAR a décidé d’approfondir ce thème en constituant, en 2003, un groupe d’enquête et de réflexion. La vingtaine d’acteurs « de terrain » qui le composaient ont alors précisé les objectifs de ce chantier :
– contribuer à améliorer les relations et collaborations entre associations et collectivités locales ;
– inciter au développement des démarches interassociatives à l’égard des collectivités locales ;
– pour cela, aider les associations à mieux se positionner par rapport aux élus, mais aussi les unes par rapport aux autres.
Le groupe a tout d’abord diffusé au sein des réseaux un questionnaire écrit sur les «Évolutions et perspectives des relations et collaborations entre associations et collectivités locales, dans le contexte des communautés de communes et des pays». Les réponses de quarante- quatre associations ont été analysées et un document de synthèse des résultats a été présenté en janvier 2004. Il en ressortait, par exemple, que : « au-delà de la simple “tribune d'expression“ de la société civile, l’association organise la parole collective et participe au débat public. Elle est parfois le creuset d'une éducation populaire qui peut ouvrir l’intérêt général et donner du sens aux pratiques de démocratie participative. Elle constitue à ce titre un lien fort entre “élus décideurs” et “habitants-usagers” aspirant à devenir citoyen-acteur du projet de territoire.»

Regards croisés « sur le terrain » Pour aller enquêter les uns chez les autres, les membres du groupe de travail se sont par ailleurs dotés d’une grille d’analyse commune. En 2004 et début 2005, cet outil a été utilisé pour analyser sept situations locales (voir encadré). À chaque fois, des élus, des acteurs associatifs et des partenaires institutionnels ont été interrogés et, à l’issue de la visite, un compte rendu détaillé a été rédigé (des extraits de ces comptes rendus sont présentés p. III, IV, V et VII).
Complétées par une intervention de Catherine Donou, juriste à Mairie-conseils, service de la Caisse des dépôts (voir p. VI), ces investigations ont nourri une réflexion collective et ont débouché sur l’élaboration de documents mis en ligne sur le site Internet du CELAVAR (www.celavar.org). Le présent dossier en présente quelques aspects.

Les situations enquêtées
• Pays de Puisaye-Forterre (Yonne et Nièvre) / Conseil de développement.
• Vihiersois (Maine-et-Loire) / Centre social du Vihiersois (CSIV).
• Pays du Bocage bressuirais (Deux-Sèvres) / Civam du Haut-Bocage.
• Finistère / association IDEE.
• Communauté de communes des coteaux de la Haute Seille (Jura)/ CPIE de la Bresse du Jura.
• Communauté de communes du Pays des Bauges (Savoie) / association Oxalis.
• Haut-Rhin / Fédération départementale des Foyersclubs (FNFR) et Maison de la Nature d'Altenach.

Pour ce chantier, le CELAVAR a bénéficié des soutiens :
• de la Direction générale de la forêt et des affaires rurales (DGFAR) du ministère de l’Agriculture ;
• de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) ;
• de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et de la Délégation interministérielle à l’innovation sociale et à l’économie sociale (DIES) du ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité ;
• de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ;
• de ses adhérents et partenaires associés.

Les associations accompagnent l’évolution des territoires

Les attentes des populations rurales se diversifient, ce qui explique notamment la montée en puissance de « l’intercommunalité de projet ». Les associations contribuent de diverses manière aux adaptations nécessaires du milieu rural.
Les territoires ruraux évoluent, mais de façon contrastée : de la poursuite du déclin à la « Renaissance rurale », en passant par la périurbanisation galopante, la palette est large ! Cela se traduit, selon les cas, par une « désertification » ou une forte pression foncière, le vieillissement de la population ou l’arrivée de couples avec jeunes enfants, le rejet des moins riches (du fait des prix des terrains, des logements…) ou l’arrivée d’« exclus de la ville », le resserrement sur une fonction uniquement résidentielle ou le développement de nouvelles activités… Dans tous les cas, la rencontre est loin d’être toujours facile entre les populations « de souche » et « nouvellement arrivées ». En corollaire, les attentes des populations rurales évoluent elles aussi.
Désormais, les modes de vie urbains et ruraux ne se distinguent plus guère. Il en résulte que les demandes d’activités et de services croissent, quantitativement et qualitativement. De fait, le niveau d’exigence vis-à-vis des collectivités ne cesse de s’élever, par exemple en matière de soutien au développement économique, de qualité de l’environnement, d’activités périscolaires, d'accès à la culture...
Les associations accompagnent ces évolutions. Les projets et les activités qu’elles développent traduisent certaines aspirations de leurs membres, mais aussi des publics auxquels elles s’adressent (les personnes âgées, les parents de jeunes enfants, les jeunes…). Elles constituent plus généralement des lieux de réflexion et d’expression sur la vie et le devenir des territoires. Enfin, elles sont des acteurs collectifs des territoires, en étant par exemple très présentes dans les groupes de travail mis en place par les collectivités, dans les événements organisés localement, dans des initiatives culturelles, éducatives, solidaires ou encore de développement…

Des projets pour les territoires
Par ailleurs, ces évolutions expliquent la montée en puissance de l’intercommunalité et l’arrivée des pays. Le cadre communal s’avère en effet trop étroit pour créer ou étoffer certains services et certaines activités. De plus, les regroupements de moyens ne s’opèrent plus sur la base d’une « intercommunalité de gestion » (où il s’agit de faire des économies d’échelle) mais visent une « intercommunalité de projet ». Dans les domaines où elles agissent, les associations peuvent utilement contribuer à l’élaboration puis à la mise en œuvre de tels projets. Au niveau des Pays, le rôle qui leur est reconnu au sein des conseils de développement montre que cet enjeu est plutôt bien perçu.

Les associations sont très diverses

La galaxie associative regroupe des structures qui agissent dans une infinité de domaines, qui ont des tailles et des anciennetés très différentes, qui affichent des valeurs et ont des modes de fonctionnement très variés, qui sont ou non fédérées…
Une grande majorité d'entre elles n’emploient aucun salarié. D’autres en ont besoin pour mettre en œuvre leurs projets.
Dans leur conseil d'administration, la plupart des associations ne comptent aucun élu politique. D’autres en accueillent « à titre privé ». D’autres encore accordent des sièges à des représentants des collectivités. Chacune de ces situations présente des avantages et des inconvénients en termes de relations associations-collectivités.
Dans un autre registre, beaucoup d’associations locales ont du mal à dépasser leurs préoccupations et intérêts particuliers pour s’impliquer dans une démarche collective. À l’autre bout du spectre, quelques associations jouent un rôle essentiel dans le développement global du territoire où elles agissent. Entre les deux, les situations sont très diverses.

Des élus jurassiens comptent sur les associations pour développer l’esprit communautaire

Située dans le Bas-Jura, la communauté de communes des coteaux de la Haute Seille (CCCHS) considère les associations comme des relais de proximité et comme des acteurs importants des politiques qu’elle impulse.

Créée en 1995 à partir d'un Sivom, la CCCHS regroupe dix-neuf communes et 6 000 habitants. Ce territoire présente une bonne cohérence sans pour autant se superposer à un canton. La CCCHS souhaite notamment valoriser le patrimoine local et encourager une diffusion de la culture en construisant une médiathèque qui devrait comprendre deux pôles, sur Voiteur et Plainoiseau. Une autre réflexion est en cour à propos de la garde d’enfants.
L’action de la CCCHS est fondée sur le travail de commissions thématiques, lesquelles regroupent chacune une vingtaine de membres et enregistrent un très faible taux d’absentéisme. Ce sont ces commissions qui examinent les projets des associations avant de les soumettre au conseil communautaire.
Par exemple, la commission Culture étudie chaque année une quinzaine de dossiers et finance sept ou huit projets à vocation intercommunale. L’Association des artistes de la Haute Seille peut ainsi organiser deux expositions annuelles qui tournent dans tous les villages. C’est aussi une association qui anime le festival Mai en Seille. Cet événement phare pour le territoire vise en outre à fédérer l’ensemble du secteur associatif.

Une forte prise en compte de l’environnement
La collaboration entre la CCCHS et le Centre permanent d'initiatives pour l’environnement (CPIE) de la Bresse du Jura est un peu particulière puisque les locaux de cette association, qui emploie huit salariés, sont situés à une quinzaine de kilomètres du territoire. Des élus le regrettent un peu, mais reconnaissent que le fait de travailler avec plusieurs communautés de communes donne un certain recul au CPIE. Cela n’a en tout cas pas empêché les collaborations : conception et réalisation de dépliants interprétant des sentiers de randonnée en 1998, participation à l’élaboration de la Charte pour l’environnement et le développement durable des coteaux de la Haute Seille en 2001, organisation d'un festival Art et nature en 2003…
Depuis 2001, le CPIE mobilise, conseille et réalise tout ou partie des actions de la Charte sur l’axe « accueil et éducation des publics » : sensibiliser la clientèle touristique et la population résidente à l’environnement, monter un projet d’éducation à l’environnement dans le cadre d'un CLSH, mettre en oeuvre un projet «à l’école du patrimoine» au collège et un projet de sensibilisation à l’environnement à l’école primaire.
Les élus de la CCCHS n’ont pas de liens directs avec ceux du CPIE. Ils ne traitent qu’avec les salariés, dont ils soulignent les compétences. Ils apprécient notamment la pédagogie que le CPIE met en oeuvre et qui le distingue d'un bureau d'études. De son côté, le conseil d’administration du CPIE s’interroge sur la pertinence d’un collège de représentants des collectivités qui serait inscrit dans ses statuts.

Les élus privilégient les approches associatives
La CCCHS soutient par ailleurs une association d’insertion, Agathe Paysage, qui s’occupe de l’entretien des espaces verts dans les communes, de l’entretien de friches et de cours d'eau, de la réhabilitation du patrimoine bâti… Agathe Paysage emploie des permanents pour encadrer une quinzaine de personnes en grande difficulté. La CCCHS dispose d'un siège (uniquement délibératif) au conseil d’administration d’Agathe Paysage : il ne s’agit nullement d'une volonté de contrôle de la politique de l’association, mais plutôt d’une reconnaissance de ses activités.
La CCCHS travaille aussi avec l’Office du tourisme, qui a été créé par sa commission Développement touristique et par des associations du territoire. Il fait écho au travail des associations par le biais d’un dépliant qu’il élabore à partir de leurs programmes d'activités. Un élu souligne qu’« un Office du tourisme de gestion associative permet d’éviter le vieillissement de la structure ».

Les différents types de relation

CPIE et Agathe Paysage :
convention de partenariat, puis envoi de la facture sur actions annualisées.
Office du tourisme : subvention jusqu'à présent ; convention prévue.
Autres associations :
subvention versée sur retour des bilans et des évaluations.

Un partenariat mutuellement intéressant… mais souvent difficile !

Des incompréhensions réciproques peuvent parasiter le dialogue collectivités-associations.
Alors que les soutiens financiers de l’État se restreignent comme une peau de chagrin, les associations espèrent beaucoup du développement de politiques locales dans des domaines qui sont souvent les terrains d'action privilégiés pour elles : les activités enfance-jeunesse, l’environnement, les services aux personnes, la culture... Mais elles craignent dans le même temps d’être « instrumentalisées » ou « vassalisée » par les collectivités. Le fait d’être subventionnées risque en effet de leur faire perdre la maîtrise de leurs priorités, de ne plus leur permettre de choisir vraiment leurs publics ou leurs actions et, en définitive, de voir leur projet leur échapper.
De plus, les associations constatent que le secteur lucratif est en train d'investir les créneaux les plus rentables dans des domaines d'activités où elles ont longtemps étaient seules à agir. Et, souvent, les logiques d’appel d’offres privilégient trop exclusivement le «moins disant» dans leur mise en concurrence.
Plus généralement, quand elles allouent des moyens à une association, les collectivités ont tendance à moins prendre en compte qu’avant le coût (et, subséquemment, l’intérêt) d'un fonctionnement associatif (réflexion collective, vie démocratique, expérimentation…).
Enfin, des collectivités font le choix de reprendre en «gestion directe» une activité jusque là confiée à (ou, souvent, « inventée » par) une association.

Des conflits de légitimités… et de pouvoir !

Nombre d’entre eux étant issus du secteur associatif, les élus ont parfois du mal à ne pas y voir un marchepied pour leurs (actuels ou futurs) opposants. Ils n’ont pas toujours tort… mais il arrive aussi que leurs soupçons soient injustifiés !
Plus fondamentalement, les élus et, sans doute plus encore, les militants associatifs ont souvent du mal à identifier l’étendue (et donc les limites) de leurs légitimités respectives. Celle des élus, incontestable, s’accompagne d’une responsabilité qu’ils ne peuvent en aucun cas abdiquer : ils sont garants de l’intérêt général et ils ont le devoir d’utiliser au mieux les moyens dont dispose la collectivité.
De leur côté, même quand elles se regroupent, les associations d’un territoire donné ne peuvent pas prétendre qu’elles représenteraient toute sa population. Elles servent toutefois des intérêts collectifs et peuvent agir au nom de l’intérêt général. Leur légitimité n’est évidemment pas élective mais se fonde sur une utilité sociale qui peut revêtir des aspects assez divers : la création de liens, voire de mixité sociale ; les actions qu’elles conduisent ; les compétences qu’elles mettent au service de la collectivité; leur participation aux débats concernant l’avenir du territoire…
Ces légitimités très différentes sont sources de rivalités et de conflits. Cela soulève en particulier des questions quant aux types de collaborations qui peuvent s’établir entre une collectivité et une association. Celle-ci peut-elle être considérée comme un simple relais d’information en direction de la population? Est-il au contraire envisageable qu’elle soit invitée à siéger dans une instance de codécision ?…

Une organisation territoriale de plus en plus complexe
Autre source de difficulté : l’empilement des collectivités se double de quelques confusions dans la répartition des compétences des uns et des autres. De plus, les territoires constitués ne sont pas toujours les mieux adaptés au développement de tel ou tel projet !
Comme bien d’autres acteurs (y compris les élus…), les associations éprouvent des difficultés à comprendre les nouvelles règles du jeu, à intégrer les nouveaux périmètres, à identifier les nouvelles instances de décision, à entrer en contact avec les interlocuteurs pertinents… Par ailleurs, nombre d’entre elles agissent à un niveau très local et ont besoin de temps pour intégrer de nouvelles échelles territoriales (notamment celle de la communauté d’agglomération et celle du pays).

Les associations au cœur de la Puisaye-Forterre

Le rôle important que joue le Conseil de développement de la Puisaye-Forterre reflète l’implication du secteur associatif dans l’émergence de ce Pays.
À cheval sur les départements de l’Yonne et de la Nièvre, le pays de Puisaye-Forterre regroupe 69 communes, 8 communautés de communes et 3 communes isolées, pour un total de 34 600 habitants. L’absence de ville-centre pourrait apparaître comme un inconvénient mais elle est vécue comme une chance car le développement du territoire s’appuie en conséquence sur des chefs-lieux de canton qui ont une vie commerciale, artisanale et associative riche. Le maillage du territoire en est ainsi plus serré et surtout plus équilibré, notamment dans le secteur économique.
La proximité relative de Paris (à 150 km) se traduit par un nombre important de résidences secondaires et par l’arrivée de nouveaux habitants. Ces nouveaux arrivants sont parfois des personnes en difficulté sociale et/ou économique espérant avoir une qualité de vie supérieure hors de Paris, ce qui n’est pas sans poser problème.
Le milieu agricole a joué un rôle prépondérant dans la démarche de développement du territoire. En effet, c'est une association agricole qui a initié la création, en 1972, du Comité de développement de la Puisaye- Forterre, lequel s'est peu à peu élargi à d'autres problématiques (logement, tourisme…), puis s'est transformé en Conseil de développement du Pays de Puisaye-Forterre. En parallèle, un syndicat mixte de pays a été mis en place.
Moment fort de la constitution du Pays, le travail sur la charte de territoire a été l’occasion d’un important travail d’animation impliquant des associations et des personnes du territoire qui ont animé bénévolement des réunions. Cette période de militantisme a permis d’impliquer des associations qui ont ensuite intégré le Conseil de développement. Aujourd'hui, le Pays étant dans une phase plus opérationnelle, ce militantisme est moins prégnant.

Un fonctionnement original
Structure publique du Pays de Puisaye-Forterre et financé par les communautés de communes et les communes isolées à hauteur de 1euro/habitant, le syndicat mixte a pour mission de contractualiser avec les financeurs des programmes d'actions. Son rôle n'est pas de faire, mais d’inciter à faire (il n'est jamais maître d’ouvrage dans la réalisation des projets). Le syndicat mixte est une instance de décision : c’est lui qui signe et donne le feu vert pour le financement des projets.
L’équipe salariée n’est pas employée par le syndicat mixte, mais par le Conseil de développement. Ce fonctionnement a nécessité un temps d’explication auprès de la préfecture. L’histoire de la structure (un Comité de développement transformé en Conseil de développement) a plaidé en faveur de cette organisation. Au-delà de l’aspect pratique ou historique, la gestion de l’équipe par le Conseil de développement est le résultat d’un véritable choix : c’est la reconnaissance de l’importance de cette instance dans l’animation du territoire et de son autonomie par rapport au syndicat.
Par ailleurs, le territoire abritant une ressource humaine très riche, l’équipe du Pays externalise un certain nombre d’actions en s’appuyant sur les agents de développement des communautés de communes, sur les techniciens des chambres consulaires et sur les acteurs associatifs. Ainsi, la Fédération départementale des Foyers ruraux de l’Yonne et l’École de musique de Puisaye-Forterre sont missionnées pour animer le programme Leader+du territoire.

Trois types de contrat envisageables entre une association et une collectivité

Insécurisés par les accusations portées à l'encontre de certaines collectivités (soupçonnées, par exemple,
de «gestion de fait»), les élus et les techniciens ont tendance à exagérer les contraintes qui pèsent sur la formalisation des relations entre associations et collectivités. Une bonne appréhension des textes facilite la recherche d'un cadre de coopération bien adapté à ce que les deux parties souhaitent faire.

La convention d'objectif
Lorsqu'une collectivité octroie une subvention à une association qui est à l'initiative d'une activité, un contrat peut définir les objectifs de cette participation financière. Ce contrat, appelé convention d'objectif, est un outil contractuel simple qui ne nécessite pas d'autre procédure que l'adoption d'une délibération par chacune des deux parties.
L'établissement d'une telle convention d'objectif est obligatoire dès lors que la subvention dépasse 23 000€. Mais, dans la mesure où elle permet de formaliser les droits et obligations des différentes parties, il semble intéressant d'établir une telle convention même pour des sommes inférieures.
La convention doit définir l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée. Au-delà de ces clauses minimales, il est recommandé d'être exhaustif dans l'inventaire des droits et obligations des signataires. Par exemple :
– durée et modalités de mise en œuvre de la convention (programmation des actions, budget prévisionnel…) ;– sanctions en cas de non-exécution ou de retard ;
– évaluation des conditions de réalisation des projets ou actions ;
– conditions de renouvellement de la convention ;
– …

La délégation de service public
La délégation de service public (DSP) est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire, public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service.
Trois critères cumulatifs permettent de la définir :
– l'exploitation d'un service public ;
– l'existence d'un contrat entre la personne publique et le délégataire fixant les conditions d'exploitation du service ;
– une rémunération du délégataire substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation (la jurisprudence considère qu'au moins 30 % de la rémunération du délégataire doit provenir de ce service).
La DSP s'inspire du mécanisme de la loi du 29 janvier 1993 («loi Sapin»), laquelle vise à «moraliser» le secteur des travaux publics. Le transfert de ce mécanisme à d'autres domaines pose quelques problèmes, notamment en matière de petite enfance ou encore de formation. Dans ces cas, en effet, il est fréquent que le financement de l'activité soit assuré à la fois par une ou plusieurs collectivités, par les bénéficiaires et par un ou plusieurs organismes tels qu'une Caisse d'allocations familiales (CAF) ou un fonds de formation.
Si le montant des sommes dues au délégataire est inférieur à 106 000€ hors taxe (sur la durée totale de la convention) ou inférieur à 68 000€ hors taxe par an (pour une durée inférieure ou égale à trois ans), la procédure de passation est simplifiée. Au-delà de ces sommes, la procédure s'apparente à celle applicable aux marchés publics (mise en place d'une commission d'ouverture des plis…).

Les marchés publics
Un contrat conclu entre une collectivité et une association relève du droit de la commande publique si :
– il est conclu à titre onéreux (l'association est rémunérée pour la réalisation des missions faisant l'objet du contrat) ;
– son objet porte sur la réalisation de prestations entrant dans le secteur concurrentiel.
L'article 30 du Code des marchés publics positionne désormais le champ des activités associatives dans ce secteur concurrentiel. Jusqu'au 23 février 2005, une procédure allégée, sans formalité préalable, pouvait être appliquée pour certaines activités (services liés aux domaines sociaux, sanitaires, récréatifs, culturels et sportifs, d'éducation et d'insertion professionnelle). Un arrêt du Conseil d'État a supprimé cette possibilité.
Toutefois, certaines prestations de services peuvent « être passées sans publicité préalable et même, éventuellement, sans mise en concurrence en raison de leur objet ou de situations répondant à des motifs d'intérêt général ».

Marché public ou subvention ?

« Il y a marché public lorsque l'administration exprime de son initiative un besoin qui lui est propre et qu'elle demande à un prestataire extérieur de lui fournir des prestations de services de nature à satisfaire ce besoin en contrepartie d'un prix. (…) En revanche, il y a subvention lorsqu'il s'agit pour la personne publique d'apporter un concours financier aux activités d'une association qui a bâti un projet spécifique. »
Citations extraites d'une instruction du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie pour l'application du Code des marchés publics.

Oxalis, une association trop grande pour son territoire

Les élus des Bauges (Savoie) ont du mal à prendre en compte une association qui a un rayonnement régional, voire national.

La communauté de communes des Bauges regroupe les quatorze communes du canton du Châtelard, pour un total d’environ 4 000 habitants. Ce territoire constitue le cœur patrimonial du Parc naturel régional du massif des Bauges. Il comprend des espaces naturels remarquables et des paysages préservés. L’agriculture et la filière bois restent présentes tandis que le secteur touristique peine à se développer.
Pour la plupart des habitants, il est encore difficile d’accepter que les Bauges ne soient pas qu’un canton que représente la communauté de communes, mais aussi un massif que représente le Parc naturel régional. La communauté de communes utilise le Parc comme un outil : le Parc lui permet d’avancer dans ses projets et de travailler à une échelle plus large.

Oxalis aimerait être mieux reconnue
L’association Oxalis a été créée en 1992. Elle porte le nom d'une plante dont «les feuilles symbolisent la diversité des activités entreprises». Ses bénévoles et ses cinq salariés agissent dans les domaines de l’éducation à l’environnement (accueil de classes, activités périscolaires…), du développement rural (montage d'une plate-forme d'achats de produits biologiques, création d’outils de communication sur les Bauges…), du patrimoine et de la culture.
En 1997, l’essaimage d’activités impulsé par l’association a suscité la mise en place de formations et d’un accompagnement des porteurs de projets. La société coopérative ouvrière de production (Scop) Oxalis a été créée pour apporter un soutien à ces porteurs de projets sur les fonctions d’entreprise. Les activités sont variées : éducation à l’environnement, édition, conception de sites Internet, aménagement et urbanisme, psychanalyse, randonnées avec un âne… Aujourd’hui, environ 50 % des activités de la coopérative se situent en dehors des Bauges.
Les liens entre les élus locaux et Oxalis sont limités. En 2004, l’association a déposé une demande de subvention pour son travail dans le domaine de l’éducation à l’environnement et de l’animation culturelle. Cette demande est restée sans réponse. Des contacts entre membres de l’association et élus se font de manière informelle dans la vie locale. L’association ne comporte pas d'élus dans ses instances dirigeantes. C’est un choix volontaire pour garantir l’autonomie du projet associatif. Cependant le partenariat est recherché et souhaité. Oxalis ressent un manque de reconnaissance de la part de la communauté. Les élus la connaissent. De plus, son territoire d’action ne se superpose pas à celui de la communauté de communes : Oxalis agit à l’échelle du PNR et même au-delà.
La présidente de la communauté considère qu’Oxalis est une « grande association », qui a des salariés, et qui n’a pas besoin de la collectivité, contrairement aux associations qui ne peuvent s’appuyer que sur l’implication des bénévoles. Pour Oxalis, il existe d’autres formes de partenariat que le financement. Elle voudrait pouvoir s’appuyer sur un soutien « moral », c’est-à-dire institutionnel, de la communauté de communes pour porter ses projets, par exemple pour obtenir un crédit de l’Union européenne pour le projet de radio locale.

Quelques conseils pour améliorer le dialogue entre associations et collectivités

Le travail d'enquête que le CELAVAR a débouché sur une série de recommandations qui concernent tant les acteurs associatifs que les élus locaux.

Une meilleure inter-connaissance est indispensable. Des rencontres doivent notamment permettre à chacune des parties de mieux cerner les principales caractéristiques de son interlocuteur (mandats et/ou objectifs, principes d'action, modes de fonctionnement, moyens disponibles, grandes lignes du budget, limites imposées ou volontaires…). Il est en outre souhaitable d'initier des relations inter-personnelles afin de faire évoluer les représentations des uns vis-à-vis des autres. Pour les associations, un des résultats visés peut par exemple être de dépasser un positionnement strictement revendicatif en obtenant la possibilité d'entrer dans une relation véritablement partenariale. Pour les collectivités, le but peut être de mieux appréhender le fait associatif afin de mieux prendre en compte la globalité des projets et des démarches des associations.

Les associations doivent mieux comprendre l'organisation et le fonctionnement des territoires.
Sur un plan strictement opérationnel, elles ont intérêt à suivre «en temps réel» les évolutions en cours. Cela doit en outre les amener à se doter d'une stratégie qui prenne en compte les compétences et les enjeux relatifs à chaque niveau d'organisation territoriale (la commune, l'intercommunalité, le pays, le département, la région…).

Le secteur associatif gagnerait à mieux s'organiser localement. La prise en compte de la nouvelle donne territoriale qui vient d'être évoquée concerne chaque association. Il est souhaitable qu'elle s'accompagne de l'élaboration de stratégies inter-associatives. Le secteur associatif en retirerait un plus grand pouvoir de négociation. Les collectivités y gagneraient quant à elles des interlocuteurs plus collectifs. Des collectivités font d'ores et déjà savoir qu'elles ne veulent plus traiter avec une multitude d'associations. Plutôt que de se voir imposer une côte forcément mal taillée, le secteur associatif a à l'évidence intérêt à prendre l'initiative.

Les associations souhaitent que leur projet soit considéré dans son entier. Il leur appartient pour cela de faire davantage connaître et de mieux expliquer le dit projet. De leur côté, les élus doivent mieux prendre en compte la globalité des démarches associatives. Très concrètement, la fiche de demande de financement ne peut pas être le vecteur principal du dialogue entre associations et collectivités…

Les collectivités ont intérêt à impliquer les associations dans les projets de territoire. Plusieurs étapes sont particulièrement favorables à l'implication de ces forces de proposition et de mobilisation que constituent les associations : l'élaboration d'un diagnostic partagé (pour un territoire donné ou un secteur d'activité) ; la rédaction d'un texte d'orientation tel que celui d'une« charte de territoire » ; l'élaboration d'un document contractuel tel qu'un « contrat de pays » ; la mise en œuvre des actions définies dans les projets de territoire…

Les relations entre associations et collectivités doivent s'inscrire dans des cadres bien définis. Quelques principes peuvent éclairer la définition de ces cadres.
– Dès lors que des moyens publics sont en jeu, le souci de transparence doit conduire à ce que tout un chacun (élu, bénévole associatif, simple citoyen) ait connaissance des lieux et des temps de la concertation entre associations et collectivités.
– L'établissement d'un climat de confiance et d'une culture de partenariat peut découler d'initiatives visant à une meilleure inter-connaissance, mais aussi de l'établissement de conventions pluriannuelles et faisant l'objet d'évaluations régulières.
– Ces cadres contractuels doivent notamment permettre une bonne reconnaissance de l'identité de chacun des partenaires. Ils doivent plus particulièrement tenir compte des spécificités associatives.
– Dans un registre très concret, les formes d'organisation des relations entre une association et une collectivité ne sont pas neutres et doivent être pensées, comme le reste. En ce domaine, il y a sans doute à expérimenter de nouvelles pratiques.

Petite bibliographie juridique

•Associations et collectivités locales - Michel Guénaire et Emmanuel Vital- Durand - éditions Le Moniteur – collection Guides - 2004.

•Les communes et les associations - François Valembois - éditions Berger- Levrault - collection Les indispensables - 2004.

•Subventions et associations – Brigitte Clavagnier - éditions Juris-service - 1999.

•La délégation des services publics locaux - Yves Delaire - éditions Berger-Levrault - collection Les indispensables - 2000 (en cours de réactualisation).

•Les associations et la loi de 1901, cent ans après - Conseil d'État – Rapport public - La Documentation française - 2000.

•La coopération intercommunale – Fiches pédagogiques - Mairie-conseils - 2005.

•Contractualiser avec la CAF pour l'enfance et la jeunesse dans une communauté de communes ou d'agglomération - Mairie-conseils - 2004 (en cours de réactualisation).

TRANSRURAL Initiatives • 2, rue Paul Escudier - 75009 PARIS • tél. 01 48 74 52 88 •
courriel : transrural@globenet.org
Ce dossier est téléchargeable sur notre site : http://www.transrural-initiatives.org

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